vendredi 4 mai 2012

Le changement (électoral), c'est maintenant.

Nicolas Sarkozy a ouvert son mandat par des réformes institutionnelles non négligeables, dont la fameuse QPC. Il a aussi cherché, sans grand succès (si tant est qu'il ait réellement cherché à le faire), à rehausser le rôle du parlement. François Hollande, sauf erreur de ma part, n'a pas annoncé de grande réforme institutionnelle. Il y a pourtant un point sur lequel la gauche peut agir et doit le faire rapidement : le changement des règles électorales.

Le constat est simple : à l'heure actuelle, et nous savons qu'il y a peu de raisons que cela change avec la future législature, une bonne partie des partis politiques ne peuvent envoyer de représentants à l'Assemblée Nationale. Le Front National n'a plus de député depuis 1993. Le score important de Marine Le Pen ne peut suffit pas à lui donner de sérieux espoir, sauf explosion de la droite à compter de dimanche soir. Les communistes n'ont des élus que dans des territoires où ils ont une implantation locale historique. Les Verts ne devront des élus qu'à leur accord avec les Socialistes. Quant au Modem, il y a de fortes raisons de penser que son sort parlementaire, actuellement peu enviable, ne va pas s'améliorer.

Le mode de scrutin actuel favorise clairement les grandes formations (aujourd'hui, l'UMP et le PS), au motif qu'il faut faire émerger une majorité de gouvernement. C'est là un motif tout à fait légitime et il ne faut pas le perdre de vue. Le Parlement n'a plus pour première fonction d'être une instance de représentation. Son premier rôle, c'est de désigner le gouvernement. Notre pays a trop souffert de l'instabilité gouvernementale pour s'offrir, surtout en ce moment, un retour à la fragmentation partisane. 


Pour autant, le fait que les formations moins importantes soient écartées pose problème. La solution de compromis qui est proposée généralement, c'est l'introduction d'une "dose de proportionnelle"' (puisque la proportionnelle, comme la lessive, va par "dose").

Ce système ne devrait pas vraiment avoir l'avantage escompté. Si on réserve disons 10 ou 15% des sièges à des députés élus au suffrage proportionnel, on risque d'abord de compromettre la possibilité d'avoir une majorité stable. On va ensuite faire rentrer par la petite porte des partis politiques au sein de l'Assemblée, de façon marginale, somme toute symbolique, mais loin d'être représentative. Aujourd'hui, au moins 15% des électeurs semblent se retrouver, de façon stable, dans le programme et les idées du Front National.  Supposons que 10% des sièges soient répartis à la proportionnelle (soit 57 à répartir donc), que le FN fasse 18% des voix, cela lui donnerait 10 élus (1,73% des députés). A ce niveau, c'est cosmétique.

Il se pose en outre une question, sans doute plus théorique que pratique, de conflit de légitimité. Dans notre tradition politique, chaque député est censé représenter le peuple français et non sa seule circonscription. C'est évidemment une fiction mais c'est une fiction importante. Si demain, nous avons des députés élus dans une circonscription territoriale et d'autres élus au scrutin de liste, proportionnel, nous risquons de voir ces derniers prendre l'ascendant. Les 10% des députés élus au suffrage proportionnel feront valoir, non sans raison, qu'ils sont plus représentatifs que les 90% de députés élus par circonscription. 


Il faut donc trouver un mode de scrutin qui à garantisse la fois la représentativité des députés et l'émergence d'une majorité. Plusieurs modes de scrutin répondent à cette demande. Le mode de scrutin allemand par exemple, mais il est particulièrement complexe.
Il y a aussi le mode de scrutin qui était, jusqu’à la réforme de 2010, en vigueur pour les élections régionales : un scrutin de liste avec une prime majoritaire (dans le cas des régionales, la prime majoritaire était de 25%). Ce système peut fonctionner en un ou deux tours. Un taux d'exclusion (par exemple 5%) évite une trop grande dispersion des parlementaires.

Ce système a le mérite d'assurer une majorité stable, quasiment de façon automatique (il suffit d'une prime majoritaire suffisamment élevée). Il assure une représentation, certes imparfaite (du fait même de la prime majoritaire) mais réelle des différentes composantes politiques. Il permet, si on adopte une circonscription territoriale unique, la Nation, de couper enfin les hommes politiques d'une nécessaire base territoriale, avec les inconvénients (notamment en terme de cumul de mandat) qui vont avec. Les avantages, eux, restent assurés par le Sénat. La représentation des Français de l'étranger est assurée sans aucune difficulté technique.

Cette réforme n'est pas excessivement complexe à mettre en œuvre. Ses détails peuvent évidemment créer des crispations entre "petits" et "grands" partis. François Hollande, s'il veut réellement montrer une volonté d'ouverture et de réforme de notre pays, gagnerait à la faire voter rapidement. Après, il sera trop tard : les députés du PS, l'hiver électoral étant venu, seront frileux à l'idée de faire une plus grande place à leurs alliés.

La France y gagnerait un Parlement d'avantage représentatif et donc d'avantage démocratique. L'autorité du Parlement y gagnerait clairement sans que le gouvernement n'y perde en efficacité ni en stabilité. Peut-être certains électeurs, déçus de la politique, y reviendraient (j'avoue que je n'y crois pas trop).


2 commentaires:

  1. Le danger d'un scrutin proportionnel c'est que par le phénomène de liste il efface toute possibilité de sélection des élus autrement que par manœuvre politique dans le parti.
    Je ne pense pas que la sélection par la nécessité d'une campagne électorale soit excellente mais au moins elle a le mérite d'exister et ce nous offre la garantie que chaque député a "mouillé sa chemise" pour se faire élire ce qui ne sera pas le cas pour les derniers de listes en cas de proportionnelle.

    Cela dit je suis intellectuellement favorable à un scrutin comme vous l'envisagez si l'on trouve une solution à la problématique du choix des candidats, être député ça se mérite. Et à l'élection suivante on doit avoir la possibilité de sanctionner individuellement un député "glandeur" par exemple!

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    1. Le problème du scrutin proportionnel est effectivement qu'il laisse les partis l'entière responsabilité du choix des candidats, avec les avantages (ils peuvent par exemple choisir des gens en fonction de leurs compétences techniques et non de leur capacité à aller faire campagne) et les limites (il y aura forcément des "cadeaux" à ceux qu'on veut récompenser ou "indemniser"). Je ne dis pas qu'avec ce système on aura que des députés qui travaillent (Rachida Dati est le meilleur contre exemple) mais je pense qu'à long terme, les partis politiques auront intérêt à envoyer au Parlement des députés compétents et travailleurs, qui connaissent les dossiers. Et si dans le lot, il y a des mauvais, des glandeurs, ce ne sera pas si dramatique qu'il soit besoin de concevoir un mécanisme spécifique pour les écarter.

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