mardi 22 mai 2012

Supprimer le tribunal correctionnel des mineurs, une politique laxiste ?

La nouvelle Garde des Sceaux a annoncé la suppression prochaine des tribunaux correctionnels pour mineurs (TCM), une innovation des plus récentes : la loi qui les institue date du 10 août 2011, avec entrée en vigueur au 1er janvier 2012. Autant dire qu'à ce jour, les TCM ont cinq mois d'existence.

C'est peu dire que leur création avait été mal comprise dans les milieux judiciaires. C'était, à l'évidence, un acte de défiance contre les juges des Enfants, supposés être trop laxistes. En effet, il s'agissait de substituer au tribunal pour enfants (un juge des des enfants, deux assesseurs non professionnels) un tribunal correctionnel, composé de trois magistrats professionnels, dont le juge des enfants. C'était, à vrai dire, chercher à instiller la défiance entre, d'un côté, les juges des enfants, et de l'autre, les autres juges, supposés, eux, bien plus répressifs.

Il est évident trop tôt pour faire un bilan de cette institution. Mais à l'évidence, le pari initial est erroné. L'idée qu'on ne peut juger les mineurs de la même façon, ni avec la même sévérité que les majeurs est profondément ancrée au sein de la magistrature. Tous les magistrats ont connu la même formation. Beaucoup de ceux qui sont juges aujourd'hui ont été juges des enfants hier. 

Au fond, l'idée que créer le tribunal correctionnel des mineurs, c'était la garantie d'une justice plus sévère relève en grande partie de la politique de la poudre aux yeux. Peut-être, ici ou là, un juge des enfants particulièrement laxiste serait, par le hasard des tableaux de service, en minorité face à deux juges plus répressifs. Mais c'est le hasard. Non la nécessité. De même, supprimer les TCM ne va pas entraîner aussitôt une hausse drastique de la délinquance, surtout que les subtilités de la procédure échappent largement à nos mineurs dont l'immaturité profonde les rend très éloignés de l'idée d'un délinquant rationnel, calqué sur le modèle de l'homo economicus (la peur de la sanction évite la commission de l'infraction). C'est même plutôt le contraire : nous avons des mineurs qui sont tellement immatures qu'ils sont dans la recherche de la sanction et de l'affirmation de la Loi.

Le discours de l'UMP aujourd'hui sur cette question illustre bien le fait que dans la lutte contre l'insécurité, la droite n'est pas plus à l'abri que la gauche de l'idéalisme. Il ne suffit pas de créer une nouvelle juridiction pour faire disparaître la délinquance des mineurs.

Reste que la gauche va être attendue au tournant sur la question de la lutte contre la délinquance en général et de la lutte contre la délinquance des mineurs en particuliers. Et il est clair que les enjeux sont délicats et qu'il vaut mieux les aborder avec réalisme. Réalisme dans la complexité de la délinquance des mineurs. Et réalisme aussi dans la complexité des représentations que s'en font les juges des enfants, les éducateurs, mais aussi les policiers. Le pouvoir politique a un profond déficit de crédibilité en la matière : on ne peut pas s'adresser en même temps aux professionnels et aux électeurs. 

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