mercredi 21 novembre 2012

Pourquoi François Fillon a raison.

J'imagine volontiers que la résolution de François Fillon de saisir la justice du litige en cours sur la désignation du président de l'UMP va susciter les critiques dans son propre camp. Les partisans de Jean-François Copé y verront une manœuvre politicienne. Probablement, des partisans de Fillon seront troublés. Pourtant, pour ma part, je trouve que c'est là le signe d'une vraie maturité politique et démocratique.

Quand on est en faveur d'un Etat de droit et d'une société policée, où le rapport de force ne saurait l'emporter, on ne rechigne pas à saisir la justice. Il est tout de même étonnant que saisir la justice soit considéré comme un facteur de division. Ce sont les élections qui sont un facteur de division - et c'est un effet voulu. Personne pourtant n'imagine supprimer les élections ! Si les adhérents de l'UMP se sont divisés en deux groupes parfaitement égaux ou presque, la justice n'y est pour rien. 

Ce qui est anormal, c'est qu'une personnalité politique majeure s'incline contre le résultat des urnes - ou ce qu'elle pense être le résultat des urnes. Si François Fillon considère qu'il a remporté les élections, il est naturel qu'il cherche à faire triompher son point de vue (par des moyens légaux, s'entend). De la même façon, Ségolène Royal aurait du, après le congrès de Reims, saisir la justice.

Certes, cela introduit une période d'incertitude, la justice n'étant pas toujours très rapide - mais enfin, quand on veut une décision de justice rapide, il y a des outils pour ça. Cela vaut nettement mieux que la suspicion qui entache le mandat de l'élu. Encore aujourd'hui, les conditions dans lesquelles Martine Aubry a été élue à la tête du PS font fortement débat. 

Saisir la justice, c'est envoyer un signal fort aux fraudeurs, qui sont légions dans les partis politiques : ce petit jeu là ne doit pas continuer. C'est adresser un signal fort aux adhérents des partis politiques : votre voix est sérieusement prise en considération. 


Il y avait évidemment une autre voie possible. Il aurait fallu que Copé et Fillon se réunissent et constatent qu'aucun des deux n'a réussi à obtenir une vraie victoire, une de celle qui rend réellement légitime. Chacun comprend bien que ce n'est pas avec 38 ou 98 voix d'avance qu'on est légitime, surtout dans un mouvement politique, où on ne peut pas réellement gouverner contre une moitié du parti. Ils auraient du en tirer les conséquences, quitte à proposer une personnalité qui soit d'avantage en mesure de faire l'unanimité - Alain Juppé, en clair. C'est ce que Fillon est en train de faire.

Sans doute y a-t-il derrière une conception différente du parti politique. Pour Copé, clairement, le parti politique est un fan club qui doit porter son chef vers la présidence de la République. Il s'agit de recruter des militants pour faire la campagne, d'avoir un relais qui lui permette de sentir l'opinion et des ressources en termes d'idées, de projets, d'argent et d'organisation. François Fillon a manifestement une vision plus traditionnelle, plus française du parti politique, comme celle d'un projet commun qu'il ne faut pas sacrifier. Mais il semble avoir à choisir entre le projet et le commun et le choix n'est pas aisé à faire.

dimanche 4 novembre 2012

Le Crépuscule des civilisations

Arte a diffusé samedi dernier deux documentaires sous le titre excessif de "Crépuscule des civilisations". Excessif, dans la mesure où il s'agissait surtout de la chute de deux régimes politiques, celui de l'Ancien empire égyptien et celui de l'empire khmer d'Angkor. Les civilisations égyptiennes et khmères s'en sont remises. Mais bon, il fallait bien un thème à la soirée. Comme le titre est racoleur, je me l'approprie pour ce billet où je n'évoquer que le premier de ces reportages, celui qui traite de l'Ancien Empire.

Pour mémoire, l'Ancien Empire désigne, traditionnellement, la première période d'apogée de l'Egypte antique. Wikipedia le situe aux alentours de -2700 à -2200 av JC. Pour faire simple, c'est l'époque des Pyramides. Eh oui, après, les Égyptiens ne construisent plus de Pyramides mais des tombeaux qui n'en sont pas moins extraordinaires. Ils se fondent juste d'avantage dans le paysage, puisqu'ils sont enterrés.

La thèse qui sous-tend le reportage d'Arte, c'est que l'Ancien Empire aurait pris fin parce que la prétention du Pharaon au monopole de la vie éternelle était devenu insupportable à la population. Dans les premiers temps de l'Ancien Empire, seul le Pharaon avait accès à la vie éternelle. C'était normal, il était divin. Puis, les reines ont obtenu ce privilège - ce qui démontre que la condition des reines dans l'Egypte antique devait être agréable puisqu'elles ont voulu la prolonger dans l'au-delà. Dans les derniers temps de l'Ancien Empire, une bonne part de l'aristocratie avait, elle aussi, acquis ce privilège. Dès lors, il devenait insupportable au reste du peuple d'en être privé. La première révolution socialiste de l'histoire serait donc intervenue pour acquérir un droit des moins évident à faire valoir, celui de pouvoir vivre après la mort. Ce droit n'est pas nécessairement un nec plus ultra. La vie après la mort, ce n'est pas toujours une sinécure. Si c'est pour se retrouver, pendant l'éternité, torturé par des démons qui vous font payer votre médiocrité humaine... 

Je n'ai pas de compétence particulière à faire valoir pour critiquer ou discuter la thèse du reportage. En bon marxisant matérialiste, j'ai tendance à penser que la vie après la mort, on y pense quand on a à manger dans son assiette. Du reste, le reportage ne fait pas l'impasse sur cette question et évoque des changements climatiques qui auraient asséché les rives du Nil et accéléré l'emprise du désert. Ces changements climatiques devaient réduire les approvisionnements alimentaires dont, logiquement, les pauvres étaient les premiers à souffrir (c'est la définition ontologique du pauvre). Que dans ces conditions, ils se révoltent, il n'y a rien que de très normal. 

Mais ça n'explique pas tout, la faim. Après tout, les mêmes pauvres avaient du travailler dans des conditions certainement épouvantables à la construction des pyramides et ils ne s'étaient pas révoltés pour autant (du moins, à ma connaissance). Et il n'y a pas de raison de penser que pendant trois cent ans, il n'y a pas eu un épisode de famine. Ce qui change, à mon avis, ce n'est pas la faim ou la souffrance mais le changement dans les représentations du pouvoir et dans sa puissance sacrée.

Au moment de l'apogée de l'Ancien Empire, quand les pharaons aux noms mythiques, Khéops, Khéphren... ont fait construire des pyramides, ils avaient réussi à ériger une représentation du pouvoir qui rendait impossible toute révolte. En résumé, Pharaon, de nature divine, fournit à l'Egypte sa subsistance et sa puissance. Dans ces conditions, il est logique qu'il y ait un prix à payer, la construction d'un tombeau adapté à la puissance de cette divinité, qui lui permet de rejoindre, à sa mort, l'au-delà. La magnificence de ce tombeau est du reste le reflet de la puissance et de la richesse de l'Egypte. La divinité du Pharaon le rend intouchable et rend inenvisageable de se révolter contre son autorité.

Au bout d'un certain temps, cependant, cela ne fonctionne plus. Les gens, que ce soit la cour autour du Roi ou le peuple ("l’Égyptien de la rue" - j'adore cette expression idiote), ne sont plus autant convaincus qu'avant de ces représentations qui faisaient du Pharaon une divinité. Son infaillibilité est remise en cause, cela d'autant plus que, visiblement, les richesses n'affluent plus autant qu'avant. La sacralité qui s'attache à la personne même du Pharaon perd de sa force. Et ce n'est qu'alors qu'une révolution devient possible. Si les représentations collectives qui fondent le régime perdent de leur force et de leur caractère sacré, alors ce régime risque, très fortement, de disparaître si les évènements extérieurs le fragilisent.

Il y a en fait, très probablement, une double interaction : les évènements extérieurs fragilisent le régime, donc les gens croient moins qu'avant à son caractère sacré, donc le régime devient plus fragile, donc les évènements extérieurs le fragilisent d'autant plus, etc. C'est une spirale négative. 

On peut compliquer un peu la spirale : généralement, quand un régime devient faible, les puissances extérieures s'en mêlent. Dans l'Antiquité, ce sont des peuples voisins, nomades ou sédentaires, qui s'empressent de fondre sur votre régime pour profiter des richesses accumulées (A l'heure actuelle, il semble que ce soit les financiers de Goldman Sachs qui spéculent sur votre dette souveraine - il y a une différence toutefois : les peuples voisins généralement construisaient autre chose, créaient un autre régime alors que les financiers assèchent financièrement leur proie avant d'aller en trouver une autre).

Cela ouvre plusieurs questions :

1) Quel est le facteur déclenchant ? Est-ce l'impossibilité du régime de faire face à un élément extérieur qui le fragilise ? Ou est-ce qu'il n'y a pas une donnée, inhérente à la civilisation humaine qui fait qu'au bout d'un certain temps, on "n'y croit plus" ? N'est-il pas inscrit dans "l'ADN des civilisations" que passés 300 ou 400 ans, les fondements idéologiques ou religieux du régime en place ne sont plus suffisants pour assurer sa domination ?

2) Comment un régime peut-il survivre à cette crise ? Certains régimes ont connu des crises mais ont su les surmonter, au prix souvent de mutations considérables (le passage de la République à l'Empire, par exemple, à Rome) ou de changements dynastiques. 

3) La démocratie moderne obéit-elle aux mêmes lois ? Notre régime date d'il y a environ 200 ans et repose sur des fondements élaborés, pour l'essentiel au XVIIIe siècle. Ces fondements sont, en grande partie, très éloignés des réalités de notre temps. Peut-on postuler que la démocratie n'est pas assise sur des fondements religieux mais rationnels et que nous sommes donc à l'abri d'une "crise de foi" ?

dimanche 26 août 2012

La méthode norvégienne

La rentrée est l'occasion de reprendre ce blog, en jachère pendant l'été. Il me semble que la condamnation d'Anders Breivik par la justice norvégienne est particulièrement intéressante. Alors qu'il est responsable de plusieurs dizaines de morts (8 dans un attentat à la bombe à Oslo, 69 à Utoya) et de nombreux blessés, il a été condamné à une peine somme toute modeste, de 21 ans de prison.

Modeste selon nos critères français. Je ne pense pas m'avancer beaucoup en considérant qu'Anders Breivik aurait été infailliblement, en France, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité - à supposer, ce qui me paraît aussi assez probable - qu'il ait été déclaré psychiatriquement responsable. La justice norvégienne s'est contentée d'une peine de 21 ans pour une raison simple : il s'agit là de la peine maximale encourue.

Il y a toutefois une différence importante entre nos systèmes judiciaires : si, dans 21 ans, Anders Breivik est toujours détenu, la justice pourra ordonner son maintien en détention, de cinq années en cinq années, s'il est toujours considéré comme dangereux. En France, jusqu'à la création de rétention de sûreté, une telle mesure n'existait pas.

Il y a dans la décision de limiter la peine maximale encourue à un terme plutôt modéré une certaine sagesse. La justice est là pour fixer la gravité du crime, selon une échelle qui est nécessairement relative. Il n'y a pas grand sens à fulminer des peines excessives contre le criminel potentiel. La peine a évidemment une fonction dissuasive mais il n'est pas utile de porter la dissuasion au delà du concevable. Je ne pense pas qu'il y ait des gens qui arbitrent en leur for intérieur que commettre tel crime "vaut" de passer 14 ans en prison mais pas 21. Passé un certain délai, généralement évalué autour d'une quinzaine d'années (cela doit varier selon l'âge), on bascule dans l'inévaluable. Limiter les peines de prison à 20 ou 25 ans me paraît donc tout à fait raisonnable.

Il faut alors étudier séparément une question importante qui, à mon sens, doit être soigneusement distinguée de celle de la peine : la protection de la société. 
Il est bien sur difficile de les distinguer totalement : tant que le criminel est en prison, le risque qu'il commette de nouveaux crimes est nettement diminué. Il n'en demeure pas moins qu'il est utile de distinguer les deux questions : la justice doit rétribuer l'acte, en fixer le "prix", pour l'auteur, pour la (ou les) victime(s) et pour la société. C'est la fonction première de la peine et, à mon avis, il serait bon qu'elle reste la fonction principale.

Rien n'interdit ensuite de permettre différentes mesures ou décisions, le cas échéant entre les mains du tribunal, pour assurer d'autres finalités : protéger la société, assurer la réinsertion ou la surveillance du condamné, exiger qu'il subisse des soins.... Ainsi, la Norvège met en oeuvre des mesures pour la réinsertion mais peut également maintenir indéfiniment sous les verrous des individus qui apparaîtraient trop dangereux pour être remis en liberté.


Notre communauté judiciaire, d'abord, et le Parlement, ensuite, gagneraient à avoir une véritable réflexion sur le sens de la peine, qui nous fait défaut. Au lieu de cela, nous avons adopté le comportement suivant : le Parlement augmente les peines maximales encourues quand il a le sentiment (sentiment généralement appuyé sur aucune évaluation concrète) que les juges ne sont pas assez sévères. Par ailleurs, au fur et à mesure des législations, on modifie le code pénal et le code de procédure pénale pour ajouter de nouvelles finalités à la peine. 
Les juges, ont, de leur côté, des pratiques judiciaires qui ne font non plus l'objet d'aucune évaluation et qui ont pour objet essentiel d'essayer d'éviter l'incarcération des condamnés.

Je ne connais pas grand chose à la Norvège mais je suppose que ce qui a été rendu possible en Norvège est le résultat, évidemment, d'une certaine richesse, d'abord, plus équitablement répartie, ensuite, ce qui limite la délinquance. Mais il y a aussi, certainement, la capacité à aborder des sujets compliqués sans idéologie, sans parti pris, avec le soucis du dialogue et de l'évaluation et sans faire de la lutte contre la délinquance un sujet politiquement polémique. La France n'a pas atteint ce stade de développement, malheureusement.


mercredi 27 juin 2012

Un parquet européen

Dans Le Monde daté du 27 juin, Mireille Delmas Marty signe un article intitulé "Créons un parquet européen - Il faut lutter contre la fraude". S'appuyant sur l'élan qui se dessine actuellement en faveur d'une plus grande intégration européenne, elle défend l'idée que la lutte contre la fraude à la législation financière européenne justifie la création d'un parquet européen.  Mireille Delmas Marty met en balance la frilosité des États européens à s'engager dans cette voie avec l'engagement qu'ils ont montré en faveur de la cour pénale internationale.

A ce jour, l'encadrement conventionnel permettant la création d'un parquet européen est complexe. 
C'est l'article 86 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui prévoit la faculté de créer un parquet européen. Cette faculté appartient au Conseil, à l'unanimité, après approbation du Parlement européen. 
Il existe une voie alternative, permettant à neuf États d'instituer, entre eux, un parquet européen, par le biais d'une coopération renforcée. 
Ce parquet européen est habilité à rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement (une distinction qui n'a pas vraiment de sens en droit français) les auteurs des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne. La juridiction saisie serait la juridiction nationale : il n'est pas prévu de créer un juge européen pour ces infractions financières. Une observation en passant : en donnant compétence au parquet européen pour "rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement", le traité européen semble consacrer une vision continentale, voire française, du rôle du ministère public, qui a la haute main sur les décisions de poursuite mais aussi sur la conduite de l'enquête. Chez nos voisins anglo-saxons ou allemands, le parquet a un rôle bien moins important, puisqu'ils sont quasiment absent dans la direction de l'enquête.

Il est par ailleurs prévu une "extension à la lutte "contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière" qui supposera, en tout état de cause, l'unanimité.


Il paraît très peu probable, même dans le contexte actuel, de parvenir à réunir l'unanimité des Etats membres de l'UE pour obtenir la création d'un parquet européen. Mais la France s'honorerait à faire partie du groupe des pays pionniers. Ca serait par ailleurs notre intérêt, afin que ce parquet prenne des orientations de travail qui ne soient pas trop éloignées de la conception française du ministère public. Ce serait également un signe adressé à nos voisins allemands que nous sommes prêts à faire un effort vers la rigueur budgétaire et financière et à accepter un contrôle international sur ceux qui, en France, fraudent le droit européen.

Pour autant, on ne peut que regretter l'optique essentiellement financière de ce parquet européen. Un vrai parquet européen aurait naturellement vocation à s'attaquer à la criminalité organisée transfrontalière, au terrorisme, aux infractions à l'environnement... Il est probable par ailleurs que la création d'un parquet européen aux compétences diversifiées conduira, tôt ou tard, à la constitution de juridictions répressives européennes. Ce sera un chemin long et difficile d'harmonisation de nos représentations et de nos conceptions en fait de procédure, de loi pénale, d'appréciation des preuves et de la culpabilité, de politique de la peine... mais ce travail, jusqu'à présent à peine ébauché, doit être conduit. Autant commencer dès maintenant.

mercredi 13 juin 2012

Amnistie ?

En découvrant la une de 20 minutes, ce matin, qui titre "l'amnistie comme solution", j'avoue être estomaqué. Le contrôleur général des lieux privatifs de liberté, Jean-Marie Delarue, propose une loi d'amnistie pour mettre fin à la surpopulation carcérale (67073 détenus pour 57170 places).

Que la surpopulation carcérale soit un problème, c'est indéniable. Que Jean-Marie Delarue soit dans son rôle pour la dénoncer, c'est naturel. 

Mais quand même, proposer l'amnistie pour les peines inférieures à six mois d'emprisonnement quelques jours avant le second tour des élections législatives, ça a un petit parfum d'entourloupe politique. Ca ressemble à la TVA sociale, qui avait flingué la droite au second tour des législatives de 2007. Que la solution soit bonne ou mauvaise, qu'importe : ce que l'électorat va surtout retenir, et je ne doute pas que la droite n'y insiste, c'est : la gauche est revenue aux affaires, au secours, le laxisme revient

On aura beau essayer de dire que le contrôleur général des lieux privatifs de liberté est une Autorité administrative indépendante (AAI) et que par conséquent ses propositions n'engagent pas le gouvernement. On aura beau dire, comme l'a déjà fait Delphine Batho, que le Parlement ne votera pas de loi d'amnistie. On pourrait même argumenter sur le fait que l'amnistie ne signifie pas pour autant le laxisme. Peu importe : le mal est fait. Nous sommes mercredi, il reste trois jours de campagne et cinq jours avant le scrutin. L'électeur moyen lui, va comprendre une chose : le laxisme revient.

Il serait temps que le nouveau gouvernement normal apprenne à maîtriser sa communication. En deux semaines, on commence à accumuler les couacs : 
1) les ministres qui prennent si ostensiblement le métro que ça en devient risible ;
2) les embarras autour de Cécile Duflot et de la consommation de cannabis ;
3) le tweet de Valérie Trierweiller d'hier ;
4) et ce matin, cette proposition. 
C'est à François Hollande et à Jean-Marc Ayrault de resserrer les boulons, d'urgence.



mardi 12 juin 2012

Ok Corral

Depuis leurs maisons de l'île de Ré, les riches de droite, protégés par ce qu'il reste de leur bouclier fiscal, doivent suivre, non sans délectation, le soap opera qui se joue actuellement sur la rive d'en face, à La Rochelle. 
Les épisodes précédents sont bien connus et n'appellent qu'un bref résumé.

Ségolène Royal était à la recherche d'une circonscription où se présenter aux élections législatives, dans le but à peine secret de devenir présidente de l'Assemblée nationale. La 1ère circonscription des Charentes-maritime était disponible : le titulaire, socialiste, ne se représentait pas. Les règles internes au PS veulent que, dans ce cas là, la circonscription échoit à une femme. Ça tombe bien, Ségolène Royale en est une. 

Mais, les édiles locaux ne l'entendent pas de cette oreille. A leur tête, Olivier Falorni, premier fédéral du département, implanté localement de longue date. Il s'était résigné à ce que la députation lui échappe, puisque ça devait être une femme. Mais céder sa place à Ségolène Royal, pas question.

D'où une lutte fratricide et épique. Le PS a logiquement exclu Olivier Falorn et, soutenu Ségolène Royal. Ce qui n'a pas empêché Falorni de se prévaloir du soutien de François Hollande et de parvenir au second tour. La droite éliminée, le second tour opposera Ségolène Royal et Olivier Falorni. 

Dans ce cas de figure, il est habituel, à gauche comme à droite, que le deuxième se désiste. Cela donne une élection étrange, avec un seul candidat à la députation. Mais ça se fait. 
Pourtant,Olivier Falorni résiste. Et comment le lui reprocher ? Il sait bien qu'il aura avec lui une bonne partie des électeurs de droite qui y verront une bonne occasion de saborder le chemin semé de roses qui devait mener Ségolène Royal de La Rochelle au palais Bourbon. 
S'y ajoutent les électeurs de gauche qui ne peuvent pas supporter Ségolène Royal et, au vu du score d'Olivier Falorni au premier tour, il y en a un paquet. Bref, Olivier Falorni a de bonnes chances d'être élu député, de battre Ségolène Royal et de l'empêcher d'accéder à la présidence de l'assemblée nationale. J'imagine volontiers que beaucoup, rue de Solférino, sauront avoir le pardon facile à son égard.

Il y a de mauvaises raisons de s'opposer à la candidature de Ségolène Royal. En particuliers, l'idée qu'elle serait "parachutée". J'y reviendrai certainement dans un autre billet mais rien ne me paraît plus normal que le parachutage. Quand on est député, on est député de la Nation. Pas du village d'à côté. Peu importe qu'on vienne ou pas du village d'à côté. Il serait également malvenu de lui reprocher de candidater si outrageusement pour la présidence de l'assemblée nationale : c'est sain, en politique, d'avoir des ambitions et de les afficher. Accessoirement, Ségolène Royale est élue dans la région depuis 1988. Il y a des parachutages plus brutaux (Jack Lang, par exemple).

Il y a en revanche de bonnes raisons de s'opposer à cette candidature mais ces raisons sont indicibles à gauche, où l'on fait semblant que "seules les idées comptent". Les personnalités comptent aussi. Ségolène Royale passe pour une personnalité autoritaire, peu encline à la contradiction. Elle a une façon de faire de la politique et de se mettre en scène, en insistant sur sa dimension charismatique, qui m'irrite profondément. Et surtout, de sérieuses questions sur sa compétence se posent, des questions qu'on ne peut écarter d'un revers d'une main en s'exclamant : vous ne diriez pas cela si j'étais un homme !
Il est temps qu'on réhabilite une donnée essentielle du débat politique : les élections ne servent pas à choisir des idées, heureusement, mais des méthodes et des personnalités. Celles de Ségolène Royal sont, à tout le moins, fortement controversées, et elle ne fait pas mine de se remettre en question à ce sujet. 


Mais ce débat déjà bien animé et complexe vient d'être à nouveau ravivé par une dimension personnelle. La compagne du président de la République encourage Olivier Falorni. Les mots ont leur importance. Encourager n'est pas soutenir. Il est légitime qu'un homme politique en soutienne un autre dans le cadre d'une élection. Encourager, c'est autre chose. Cela peut relever d'une démarche plus personnelle, fondée sur des liens d'amitiés - ou d'inimitié ?
Bien évidemment, cela ne change pas grand chose : médiatiquement, Valérie Trierweiler, la nouvelle, prend clairement parti contre Ségolène Royal, l'ex. Le président de la République est confronté à des tensions entre son amitié pour Olivier Falorni et sa relation pour le moins complexe avec Ségolène Royal. 
Qu'il se refuse même à trancher signifie clairement que, lui aussi, souhaite la défaite de Ségolène Royal.

Un mot de lui, en effet, aurait suffit à ce qu'Olivier Falorni se retire. Il n'en a rien été. Et c'est normal. Ségolène Royal manque de la plus élémentaire décence politique : ex-compagne de l'actuel Président de la République, la vie politique doit lui être désormais fermée. Elle aurait du le comprendre d'elle-même, elle ne l'a pas compris. Il n'y a pas place pour le cumul des sentiments contradictoires, la confusion des pressions familiales et politiques. Il est regrettable que pour mettre fin à cette confusion, on en instaure une nouvelle, en permettant à Mme Trierweiller d'exprimer une opinion dissidente.


lundi 11 juin 2012

S'allier ou non avec le FN ?

La pression politique est trop forte. Deux tiers des électeurs de droite seraient en faveur de désistement entre le FN et la droite. Pour le moment, les ténors de l'UMP résistent. L'UMP sera probablement sur une ligne "ni-ni" : pas de front républicain contre le FN, pas de désistement en faveur du FN. 

Rien de plus logique à cette position. L'UMP ne peut pas appeler à voter pour des candidats du PS sans avoir à en payer le prix localement lors des prochaines échéances électorales. Au niveau national, appeler à voter en faveur de candidat du FN contre le PS serait également dévastateur.

L'UMP va perdre les élections législatives et le sait. Avec ou sans le FN, l'UMP va perdre. Elle n'a donc aucun intérêt à s'allier électoralement avec le FN : cette alliance ne lui rapporterait que quelques sièges inutiles et le prix moral à payer serait lourd.

Les sympathisants de droite, eux, ne voient pas les choses sous cet angle. Localement, ils voient qu'ils pourraient avoir un député plus proche de leur sensibilité et faire échec à un député de gauche. Ils sont donc en faveur d'un accord électoral. Localement, il y a fort à parier que certains candidats UMP seraient tout à fait demandeurs car ils se préfèrent au Palais Bourbon dans l'opposition que juste dans l'opposition. 

C'est pourquoi je pense que le scénario le plus probable sera qu'il y aura des accords au niveau local, là où les convergences idéologiques sont les plus fortes, c'est-à-dire probablement dans le sud est. Dans cette région, le vote FN et UMP est majoritairement lié à des questions de sécurité et il est sous-tendu par la même approche raciste des problèmes. Il y aura place pour des convergences locales que l'UMP et le FN dénonceront mais qui satisfairont tout le monde. Dans le nord, en revanche, où les questions sociales sont au coeur du vote FN, des accords seront plus difficiles à trouver, alors que l'UMP et le FN sont sur des positions radicalement différentes sur l'Europe et la Mondialisation.

Puis, il y aura forcément un moment où le contexte politique rendra possible des accords plus amples entre le FN et l'UMP. 

Cette convergence est rendue possible par la droitisation du discours de l'UMP depuis 2002, d'un côté, et par la normalisation du discours du FN, de l'autre. Une fois qu'on enlève les oripeaux nazis que Jean-Marie Le Pen aime à exhiber de temps à autre, le FN donne l'illusion d'être bien plus fréquentable.

Reste à savoir si le FN aura intérêt à des tels accords et j'en doute fortement. La popularité électorale du FN est largement liée à un discours "ni droite, ni gauche" et à une opposition tranchée sur l'Europe et la Mondialisation. Le Front national peut aussi déployer un discours "mains propres" d'autant plus facilement qu'il fait tout pour ne pas exercer la moindre responsabilité politique. Ce discours sera plus difficile à tenir, dans la perspective, par exemple, d'un accord de gouvernement.