mercredi 19 décembre 2012

Vers les sociétés de gestion publique (1)

Les mutations actuelles de la démocratie occidentale me conduisent à formuler l'hypothèse suivante : dans les années à venir, vont se former des sociétés dont l'objectif sera de prendre le contrôle de collectivités publiques (Etat, collectivités locales...) et de les gérer. Appelons ces sociétés "société de gestion publique". 

Le système que je pronostique est le suivant : à intervalle réguliers, la collectivité publique X lancerait un appel d'offres. Cet appel d'offres permettrait de choisir des sociétés prestataires, avec pour mission de gérer une partie, voire la totalité, des politiques publiques menées par cette collectivité. 

Ce système existe déjà en partie : certaines collectivités publiques délèguent certains aspects de leurs politiques. Par exemple, les conseils généraux peuvent confier à des associations le soin d'exercer les mesures éducatives ordonnées par les juges des enfants. Par ailleurs, il est très courant que les collectivités publiques se fassent assister de cabinets de conseil pour la définition et la mise en oeuvre de projets. On a donc une double série de délégations : les délégations qui concernent la mise en oeuvre d'une politique publique, les délégations concernant la conception de politique publique (pour le moment limitée à la fonction de conseil).

Cette double tendance a naturellement vocation à se développer, surtout dans un contexte budgétaire contraint. Cela est renforcé par les différences de statuts entre les agents publics et les agents du secteur privé.

Bientôt, on verra se constituer des "groupes", des organisations complexes, destinées à proposer aux collectivités publiques toute une gamme de services allant de la définition à la mise en œuvre et au contrôle de politiques publiques. Dans un premier temps, ces groupes seront probablement sectoriels : il y aura les sociétés spécialisées dans le secteur social (déjà très important mais généralement organisé sous forme associative), puis les sociétés qui feront de l'urbanisme (il ne manque pas grand chose aux bureaux d'études actuels pour être en capacité de se substituer aux pouvoirs publics en la matière), ... Des sociétés qui établiront la comptabilité publique on arrivera probablement à des sociétés qui recouvriront l'impôt, sous le contrôle d'une société de certification des opérations comptables et financières.

Progressivement, ces sociétés sectorielles seront amenées à se regrouper, à mutualiser leurs compétences, leurs savoirs faire et leurs moyens. Ces sociétés vont également se regrouper internationalement. Nous aurons donc de grosses holdings de gestion publiques.

Il faudra alors adapter nos institutions. Au lieu d'élire un président de la République, une assemblée nationale, un gouvernement, etc, il faudra procéder par appels d'offre. Au lieu de campagne électorale menée tambour battants par des hommes politiques, nous aurons le choix entre plusieurs sociétés de gestions publiques. Vous n'hésiterez plus entre François Hollande et Nicolas Sarkozy mais entre EURO GESTION PUBLIQUE et WORLD PUBLIC MANAGEMENT (WPM). 

Chacune de ces sociétés se distinguera notamment par ses méthodes de gestion. Il est probable que les différentes écoles de marketing, de management, etc, investissent les différentes structures. Ainsi, on saurait qu'EURO GESTION PUBLIQUE pratiquerait plutôt une politique de valorisation salariale alors que MITTAL INDIA PUBLIC GESTION GROUP serait connu pour mal payer ses salariés - et donc pratiquer des coûts moindres.

L'intérêt de ce système est qu'il permettra enfin de limiter les coûts, grâce à d'astucieuses politiques de mises en concurrence ou de mutualisation. On peut imaginer, à l'aide de Ricardo et de l'avantage comparatif, que des pays se spécialisent dans certains domaines. Par exemple, ironie de l'histoire, la Grèce pourrait devenir un pays leader du traitement des déclarations fiscales, faisant valoir l'excellente expertise nationale en matière de fraudes pour détecter les déclarations inexactes.

Je développerai prochainement quelques aspects problématiques de ce nouveau mode de fonctionnement : disparition de la politique, contrôle, concurrence...

2 commentaires:

  1. Très osé, comme post.

    Fonctionner par appel d'offre pour choisir nos gouvernants, c'est confier à une petite élite le choix de la direction du pays dans des domaines qui vont bien au-delà de l'économie.

    C'est faire fi des capacités de chacun a appréhender un choix et c'est, contrairement à ce qu'a l'air d'en penser l'auteur, la porte ouverte a encore plus de démagogie et d'idéologie qu'avec de bons vieux candidats politiques.

    D'ailleurs, qui trancherait dans cet appel d'offre ? Tout le corps électoral actuel ? Dans ce cas, on ne voit pas bien l'avantage par rapport à une présidentielle en bonne et due forme - à part un changement sémantique.

    Autre question, plus en amont : qui organiserait et déciderait du cadre dudit appel d'offre ? Un appel d'offre est lancé pour répondre à un objectif particulier, lequel s'intègre dans une mission particulière et dans une politique globale. Autrement dit, c'est une petite pièce d'un grand puzzle : les politiques publiques.

    Alors, qui déciderait de l'objectif qui pousse à conduire cet appel d'offre ? Cette question générerait déjà des oppositions, et c'est dès cette étape qu'il faudrait... voter ?

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  2. ... et j’attends tjs la suite....

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